jeudi 14 juillet 2016

La consoude

La consoude, trésor de nos jardins, ennemie des laboratoires pharmaceutiques

Après le plantain , nous avons une tendresse toute particulière pour la consoude.

Cette plante vivace et vigoureuse puise profondément dans le sol de grandes quantités d’éléments minéraux (dont de la potasse) qu’elle restitue ensuite aux autres végétaux. Sa richesse en allantoïde, qui favorise la multiplication des cellules, stimule la vie microbienne du sol, facilite la levée des semis et favorise la croissance des feuilles.
Elle sert à tant de choses, est si peu exigeante et à la bonne idée de pousser partout ! Originaire d’Europe, la consoude ou Symphytum officinale pousse naturellement en lisière de forêt, dans les zones humides (fossé, bord de ruisseau, prairie humide…).
Les Grecs de l’Antiquité pensaient que cette plante pouvait soigner tous les organes blessés. Cette plante est utilisée depuis la nuit des temps, puisque l’on en a retrouvé la trace dans la nourriture des hommes des cavernes. Elle est malheureusement tombée en désuétude, mais a connu un renouveau dans les pays anglo-saxons dès le 19ème siècle. Elle sert depuis longtemps à nourrir les animaux : chevaux, vaches, cochons, poules (qui pondent plus et mieux).
La plante peut aussi bien être consommée fraîche que séchée, en fourrage (elle est riche en protéines, jusqu’à 35 % de la matière sèche). Les romanichels la cultivaient là où ils passaient : ils « retapaient » avec de la consoude de vieilles carnes qu’ils achetaient à bas prix, et les revendaient bien plus cher quelques semaines plus tard !
Cette plante  va chercher loin ses éléments nutritifs : sa racine, une fois installée, plonge à 1,5 m et même deux mètres de profondeur ! Aucune plante herbacée ne va si loin. Une fois installée (au bout de 2 ou 3 ans) elle ne craint plus rien, mais avant, il faut veiller à ce qu’elle ait un arrosage suffisant, à lui apporter de l’azote, par exemple sous forme de purin d’orties, et à désherber autour d’elle. Elle aime les terres profondes, du fait du développement de ses racines.
Elle fait un excellent engrais, riche en potasse, donc très complémentaire de l’ortie, qui est riche en azote. Lorsqu’on fait des plantations, on peut prendre quelques feuilles fraîches d’ortie, une ou deux de consoude, les couper en morceaux, et les mettre directement au fond du trou de plantation. Reprise garantie de la plante !
Est-elle l’ennemi à abattre ?
Depuis quelques années cette plante fait polémique outre-Atlantique. Elle contient des alcaloïdes, principalement concentrés dans la racine, les graines et les jeunes feuilles. Plusieurs études ont été menées mais les résultats sont contradictoires.
Les défenseurs de la consoude dénoncent les études menées par  l’industrie pharmaceutique, selon lesquelles cette plante pourrait provoquer une maladie du foie, appelée maladie veino-occlusive du foie ou syndrome de Budd-Chiari.
Cette maladie cause le rétrécissement des vaisseaux sanguins du foie engendrant un mauvais fonctionnement hépatique. A la suite de ces études, menées dans les années 1980, le Canada et les Etats-Unis ont pris des mesures d’interdiction ou de restrictions quant à l’utilisation de cette plante, provoquant la colère et l’indignation de nombreux citoyens, herboristes, spécialistes, qui crient au scandale.
Alors qu’en est-il ?
Ce qui reste certain, c’est que cette plante est utilisée par les hommes depuis plus de deux mille ans, tant pour ses propriétés thérapeutiques que nutritives. Pour l’usage interne (nourriture et soins), il est préférable de ne consommer que feuilles à maturité (éviter racines et jeunes pousses), et de se cantonner à la Symphytum officinalis, la consoude sauvage, aussi appelée consoude officinale, grande consoude, ou encore herbe aux coupures.
Evitez les hybrides du type « Consoude de Russie » ou encore « cultivar Bocking 14 », espèces vendues dans les magasins spécialisés, et préférez la consoude sauvage et locale, que l’on trouve en lisières des forêts, près des ruisseaux et tous les lieux humides.


Pour le jardin

Purin de consoude :
Le purin de consoude est en fait un extrait obtenu par macération dans de l’eau, puis fermentation. Les substances actives y sont concentrées. Pour éviter que le liquide se putréfie, vous devrez le filtrer. Comme tous les purins, celui de consoude se conserve dans une bouteille ou dans un récipient en matière plastique fermé hermétiquement, durant plusieurs mois, à l’obscurité et à 12 °C environ.
Un kilo de plante fraîche pour 10 litres d’eau (de préférence eau de pluie ou de source).
Hacher grossièrement les plantes. La fermentation prend 15 jours à 18°C. Elle peut être plus longue au printemps, ou plus rapide en été. Ca sent moins mauvais que le purin d’orties ! A utiliser dilué de 5 à 30%, sur le sol, pas sur les feuilles. La consoude s’utilise en particulier pour les plantes donnant fruits ou tubercules. Vous pouvez ajouter à la macération prêle, absinthe, tanaisie, thym, etc. pour y rajouter des propriétés insecticides et désinfectantes. N’oublions pas l’ortie, bien sûr, avec laquelle elle forme un engrais très complet.

Comment l’utiliser :

Déposez quelques poignées de feuilles fraîches au pied des tomates, des courges et des arbres fruitiers. Vous pouvez également en glisser dans le compost pour l’activer.
• Disposez directement les tiges et les feuilles, séchées durant 48 heures, dans le sillon de plantation des pommes de terre ou bien incorporez-les en automne, lors du travail du sol.
La consoude sert aussi à faire de la teinture : avec feuilles et tiges, avec de l’alun comme mordant, on a du jaune, avec de l’étain du jaune citron, avec du chrome un orange clair.
Les propriétés médicinales de la consoude viennent de l’allantoïne qu’elle contient, qui est un activateur de croissance cellulaire très puissant. Pour cet usage, on préfère la racine, qui en est bien plus riche. Comme on l’a vu précédemment, ne pas abuser en usage interne, mais il n’y a pas de restriction pour l’usage externe, les alcaloïdes n’étant pas absorbés par la peau.
La consoude était très utilisée par les nourrices, qui souffraient fréquemment de crevasses aux seins : elles creusaient un trou dans une racine de consoude, et y mettaient leur bout de sein.
Les feuilles de consoude cuites, en cataplasmes, sont depuis longtemps utilisées pour guérir l’eczéma des animaux.

En usage médicinal

Cette plante est utilisée depuis plus de 2 000 ans en médecine traditionnelle. Par exemple, Dioscoride, un médecin grec, la conseillait pour traiter les hémorroïdes ainsi que les inflammations pulmonaires ou digestives. Elle renferme de l’acide rosmarinique, un anti-inflammatoire reconnu, de même que du mucilage aux vertus émollientes et de l’allantoïne, une substance cicatrisante.
On attribue généralement à ces substances actives les propriétés thérapeutiques de la consoude administrée par voie interne, mais ces usages ont été abandonnés du fait que la consoude peut renfermer des pyrrolizidines potentiellement toxiques pour le foie. De nos jours, on limite donc généralement son utilisation aux applications externes.
Propriétés générales, la consoude est :
Cicatrisante, vulnéraire (guérit les blessures), astringente, émolliente, béchique (calme la toux), rafraîchissante (calme la soif, diminue la température du corps), adoucissante (calme les inflammations), calmante, analgésique, antihémorragique.
L’époque de récolte de la racine est à la fin de l’hiver, les feuilles tout au long de la période de végétation, pour un séchage plus facile avant la floraison. Comme pour l’ortie, on peut en faire sécher les parties aériennes pour utiliser la consoude tout au long de l’année. Pommade de Maria Treben : Couper en petits morceaux 4 à 6 racines fraîches et lavées. Les faire frire peu de temps dans 250 g de saindoux, laisser reposer une nuit. Réchauffer le lendemain, filtrer. Mettre dans de petits récipients et conserver au réfrigérateur. Traite les plaies chez l’homme et l’animal.
Ce qui est le plus actif, c’est la pulpe de racine fraîche, en cataplasme sur plaies même infectées, brûlures, fractures, ulcères, entorses, etc.
Décoction pour compresses : 200 g de racine dans 1 litre d’eau, faire bouillir ¼ d’heure. Vu son pouvoir régénérant, la racine de consoude est aussi utilisée pour les soins cosmétiques.
Cataplasmes :
  • Hacher les feuilles fraîches, puis verser sur celles-ci de l’eau bouillante. Ou verser de la farine de feuilles de consoude dans  de l’eau bouillante pour obtenir une pâte épaisse. On enveloppe cette bouillie molle et verte dans de la gaze (double couche) ou charpie pour l’appliquer en la maintenant avec un bandage sur la partie à traiter. Ce procédé permet le relâchement de l’ allantoïne, tandis que la stérilisation est assurée. Les cataplasmes doivent être renouvelés toutes les trois heures à titre indicatif. Appliquer le cataplasme le plus chaud supportable.
  • Pour ne pas avoir à mettre de la gaze, préparer une pâte compacte en mélangeant moitié-moitié de l’amidon ou une substance amidonnée et de la farine de feuilles de consoude. Mélanger l’amidon dans de l’eau froide afin d’obtenir une pâte épaisse. Verser de l’eau bouillante afin d’obtenir une pâte un peu liquide. Y mixer immédiatement la farine de consoude  afin d’assécher l’ensemble à une consistance qui adhère à la peau, mais qui peut être enlevée sans laisser de trace. Appliquée sans gaze, directement sur la peau, cela permet de conserver la chaleur pendant assez long en étant assez leste.
  • 100 g de racines pelées dans 1/4 l d’eau en décoction 10-15 mn. Aplliquer de la même façon un minimum de 15 mn toutes les trois heures. La racine contient deux fois plus d’allantoïne et la Bocking 14 est la plus riche.
Nutrition
En dehors du séchage, vous pouvez aussi congeler la consoude et en faire des conserves, comme pour l’ortie. En Angleterre, on trouve de la consoude dans les boutiques de produits naturels, sous plusieurs formes. La consoude peut se cuisiner à la façon des épinards. On peut aussi utiliser ses grandes feuilles pour faire des rouleaux de printemps, à la viande ou aux céréales.
Citation d’Hildegarde de Bingen (1) : « Si l’on a un membre cassé ou blessé, ou couvert d’ulcères, manger de la consoude. Mais la consoude prise sans raison renvoie la pourriture à l’intérieur : c’est comme si on jette des pierres dans un grand fossé pour empêcher l’eau de s’en aller, et alors la vase s’insatlle au fond. »
(1)  Hildegarde de Bingen (1098-1179), visionnaire, poétesse et musicienne de tout premier plan, est considérée comme la première vraie phytothérapeute moderne.

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