Quand l’homme considérera-t-il (enfin) que les les animaux ont des sentiments bien réels? Certaines espèces du règne animal récemment étudiées, ont montré des sujets éprouvant des sentiments pour leurs congénères. Si ces découvertes sont récentes, la réalité, elle, n’est pas nouvelle. Cependant notre conscience de cette réalité pourrait bien changer rapidement compte tenu des avancées scientifiques.
Préambule pour remettre les choses à l’endroit
Depuis
trop longtemps déjà, on s’obstine à trouver quel est le
propre de l’homme. En vain. Existe-t-il seulement? Mais quelle
importance d’ailleurs? Et si, ce qui nous caractérisait le plus,
était précisément cette volonté persistante à vouloir se
différencier à tout prix des autres espèces…
Notons avant
de poursuivre, que certains comportements humains auxquels on
attribue volontiers le qualificatif « d’animal » ou de
« bestial » tiennent bien moins de la bête -aussi
sauvage soit-elle, que de l’homme -aussi civilisé se croit-il.
Ce
paradoxe est bien humain : de tout temps on attribue aux autres
ses propres vices et défauts. Toutefois, la longue histoire de
la civilisation humaine regorge d’exemples de comportements
« bestiaux » qu’aucune autre espèce sur la planète
n’a jamais adoptés, à part la nôtre.
La science des hommes met en évidence les sentiments des animaux
Les
chiens sont capables d’interpréter les émotions des humains (voir
notre article « Une
étude démontre que les chiens comprennent les émotions
humaines« ).
Les chevaux aussi, semble-t-il. Les baleines ont des accents
régionaux. Les corbeaux devinent les pensées de leurs congénères
– un phénomène que les scientifiques appellent «théorie de
l’esprit » et qui a longtemps été considéré comme une aptitude
spécifiquement humaine.
Ces
découvertes, qui ont toutes été publiées ces dernières semaines,
indiquent que nombre de traits et de facultés que nous estimons
«exclusivement humains» ne le sont pas.
Cette
affirmation donne probablement l’impression de pencher
dangereusement du côté de l’anthropomorphisme. Si vous connaissez
un tant soit peu le domaine d’étude des comportements des animaux,
vous savez sans doute ceci : l’anthropomorphisme est nuisible.
Les
animaux sont des animaux, et les humains des humains… Circulez, y a
rien à voir.
Quarante ans d’enlisement sur les chemins boueux du dénigrement
Et
pendant ce temps là : les éléphants ressentaient la joie. Présumer
par exemple, qu’un éléphant ressent la joie de la même manière
qu’un humain est risible d’un point de vue scientifique. Telle
est la pensée qui a dominé ce champ de recherche pendant la plus
grande partie du siècle passé et que l’on pourrait résumer ainsi
: contrer avec vigueur, voire tourner en dérision, tout projet de
recherche qui oserait suggérer que les animaux pensent et ressentent
de la même manière que les humains.
Toutefois,
de nouvelles études ainsi qu’une multitude d’ouvrages récemment
écrits par des biologistes et des rédacteurs scientifiques de
renom, considèrent avec le plus grand sérieux la vie intérieure
des animaux.
Désormais,
des scientifiques de renom estiment que, si l’intention
première était louable, des décennies de rejet automatique de
toute forme d’anthropomorphisme ont surtout entravé la
recherche. L’éminent biologiste et auteur Carl Safina
lors d’un échange avec Science of Us, a déploré :
Ça a détruit le champ d’étude(…) Ça ne l’a pas seulement freiné, ça l’a mené à sa perte. Les gens n’ont même pas pu poser ces questions durant une quarantaine d’années.
En
effet, les deux chercheurs plaident en faveur de ce que le biologiste
Gordon Burghardt a appelé l’«anthropomorphisme critique» –
c’est-à-dire utiliser la compréhension humaine et les intuitions
comme point de départ pour comprendre la cognition animale. Frans de
Waal écrit à ce sujet :
Dire que les animaux planifient l’avenir ou qu’ils se réconcilient après un combat va au-delà du langage anthropomorphique, ces termes expriment des idées vérifiables.
À
partir des années 1910-1920, la science comportementale de
l’animal a commencé à privilégier la description dans ses
tentatives de dissiper les superstitions, non :
- les chats ne sont pas les compagnons des sorcières
- les tortues ne sont pas particulièrement obstinées
- les sauterelles ne sont pas paresseuses
- etc.
Malheureusement,
à partir d’un certain moment, la description est devenue la seule
«science du comportement animal», écrit Safina dans son livre :
Le fait de se demander quels sentiments ou quelles pensées pouvaient motiver l’acte comportemental était devenu complètement tabou.
Selon
lui, les notes d’un «bon» scientifique ressembleraient à ceci :
«L’éléphant se place entre son petit et la hyène». Un
«mauvais» scientifique aux tendances anthropomorphiques, quant à
lui, décrirait cette même scène de la façon suivante : «La mère
se positionne dans le but de protéger son petit de la
hyène». Comment ce chercheur pourrait-il prouver les
intentions de la mère? Parce qu’on ne peut observer ni une pensée
ni un sentiment.
Présumer
de leur existence chez les animaux était par conséquent jugé non
scientifique.
Quand la science faisait hérisser les poils de la bêt(is)e humaine
Jadis,
le simple fait d’évoquer la question d’une conscience animale
pouvait suffire à détruire une carrière.
Dans
les années 1970, Donald Griffin, un biologiste reconnu qui avait
récemment découvert l’écholocalisation (ou sonar) chez les
chauves-souris. Il aborda le sujet dans son ouvrage Question
of animal awareness.
Sa réputation professionnelle en fut considérablement écornée.
Jane
Goodall essuya elle aussi des critiques après avoir osé «humaniser»
les chimpanzés dans son étude en leur donnant des noms. Dans les
années 1990, la prestigieuse revue Science déconseillait même la
recherche sur la cognition animale aux jeunes chercheurs pas encore
titularisés. Le syndrome de Galilée n’est semble-t-il
encore pas si loin.
Les nouvelles techniques scientifiques font taire les détracteurs
Des
données plus fines, obtenues notamment grâce aux progrès de
l’imagerie cérébrale et aux vidéos enregistrées par les
chercheurs travaillant sur le terrain, obligent désormais bon nombre
de scientifiques à repenser certains points fondamentaux de la
cognition animale. De nos jours, il ne se passe pas une semaine sans
qu’une nouvelle étude ne soit publiée, avançant les preuves que
telle ou telle espèce possède une faculté ou une émotion
autrefois considérée comme spécifique à l’être humain.
Des
manifestations d’empathie, et même des comportements
réconfortants, ont été observés chez plusieurs espèces. On
sait aujourd’hui que les campagnols des prairies (rongeur présent
sur le continent Nord-Américain) réconforte ses congénères.
Des
comportements ressemblant fortement à la consolation ont également
été observés chez des animaux connus pour leur sociabilité, comme
les éléphants. Quand un éléphant d’Asie remarque qu’un de ses
congénères est anxieux, les chercheurs observent que le premier
réagit en touchant le second avec sa trompe, explique Le directeur
de l’étude Joshua Plotnik, explique :
Je n’ai jamais entendu une telle vocalisation lorsque les éléphants sont seuls, ça pourrait être un signal du genre « chut… ça va aller », le type de son qu’un humain adulte utiliserait pour réconforter un bébé.
Certains
scientifiques avancent que le bâillement contagieux, qui a été
récemment observé et filmé chez les chimpanzés, est également un
signe d’empathie. Plusieurs études ont révélé que certains
animaux manifestent des signes de conscience de soi. La meilleure
méthode à la disposition des chercheurs pour mesurer ce concept
pourtant abstrait est le test du miroir, même si de récents travaux
ont remis en question sa justesse.
« Miroir, miroir… dis-nous qui est le plus bête »
Le
sujet est généralement marqué avec un colorant visible mais
inodore avant d’être placé devant un miroir. Pour réussir ce
test, celui-ci doit observer la marque dans le miroir, puis
l’examiner sur son propre corps, ce qui indique que l’animal
comprend que le reflet dans le miroir est une représentation de
lui-même.
Les
singes ne sont pas les seuls à y parvenir. En effet, au début des
années 2000, deux chercheurs ont montré que les grands dauphins
réussissaient ce test haut la main. Dans son dernier livre Voices
in the ocean,
la rédactrice scientifique Susan Casey indique que les éléphants
et les pies réussissent également ce test que les êtres humains
passent avec succès à partir de l’âge de 2 ans.
Comprendre ses semblables : une aptitude vitale
Certains
animaux seraient capables de comprendre le point de vue de leurs
congénères. Outre le comportement récemment mis en évidence du
corbeau, il s’avère que le geai buissonnier peut se représenter
le point de vue d’un autre geai, ce qui l’aide à cacher sa
nourriture. Quant au geai des chênes mâle, il serait en mesure de
deviner avec justesse le type de nourriture qu’une femelle pourrait
apprécier. Nicola Clayton, psychologue à l’université de
Cambridge, expliquait au magazine américain Wired :
Nous avons longtemps pensé que seuls les humains pouvaient faire ça(…) Nous avons démontré grâce à une série d’expériences que ça ne semble pas être le cas.
Ces photos d’animaux qui disent ce qu’on a envie d’entendre
À
l’ère des photos et vidéos virales, il devient facile de
souscrire à l’idée que l’anthropomorphisme est désormais
parfaitement acceptable, et de s’y laisser cloisonner trop
facilement. Les réactions suscitées par une photo récente de
trois kangourous illustrent parfaitement ce phénomène.
Selon
la légende qui accompagnait l’image sur Facebook, le mâle et le
petit « pleuraient » la femelle qui venait de mourir.
Les
médias s’en sont emparés, la prenant pour argent comptant et
affichant des titres comme celui-ci: « Une
mère kangourou mourante tient son petit pendant ses derniers
instants.»
Comme
pour toute histoire rendue virale sur la toile, les tentatives
de démystification n’ont pas tardé à frapper : selon certains
articles improbateurs, le kangourou mâle tentait simplement
d’initier un rapport sexuel avec la femelle, et toute
interprétation contraire relevait d’un «anthropomorphisme naïf».
De
son côté, Safina soutient qu’aucune conclusion ne peut être
tirée d’une photographie, que ce soit dans un sens ou dans
l’autre. À vrai dire, l’image ou, plus précisément, les
réactions polarisées qu’elle a suscitées sur la toile nous en
apprend davantage sur nous-mêmes que sur l’éthologie des
kangourous. Il souligne ceci :
La seule chose qui n’est presque jamais permise, ni même envisagée, c’est le fait qu’il puisse exister des nuances(…) Il existe toute une palette d’émotions chez les humains comme chez les non-humains.
Après
la mort d’un être humain, par exemple, les proches éprouvent
toute une gamme d’émotions – le déni, la confusion, voire des
rires terriblement inappropriés. «Mais
avec les animaux, tout devrait être noir ou blanc»
observe Safina. Soit nous voulons croire que les animaux sont
purs, bienveillants et globalement meilleurs que nous, soit nous
voulons croire exactement le contraire : que nous sommes les
créatures les plus remarquables de la planète et que le
comportement animal ne relève que de l’instinct (comme si ce
n’était jamais le cas du comportement humain !).
Certes,
se précipiter vers des conclusions infondées appuyant l’idée que
les animaux sont tout à fait comme nous relève de la pseudoscience.
Mais volontairement ignorer les preuves de comportements des animaux
étonnamment similaires aux nôtres est tout aussi biaisé et non
scientifique.
«Ce
qu’il faut retenir, c’est que l’anthropomorphisme n’est pas
toujours aussi problématique qu’on le pense»,
écrit de Waal, ajoutant que cela est d’autant plus vrai pour les
animaux dont le cerveau est similaire au nôtre: les singes, bien
évidemment, mais aussi les éléphants et certains mammifères
marins comme les dauphins.
Hello
RépondreSupprimerTous ceux qui ont des animaux de compagnie qu'ils aiment et qu'ils observent, n'ont pas besoin d'être des scientifiques pour savoir tout ça! Bien sur que les animaux sont capables de sentiments, joie, sympathie ou antipathie avec d'autres, amitié, amour, tristesse, etc, etc....
Par contre je connais beaucoup d'humains qui se comportent de façon bien pire que n'importe quel animal sur terre!!!! Alors franchement, se croire supérieur aux animaux parce qu'on est des humains, est complètement débile!
Un exemple: les oiseaux migrateurs retrouvent leur route sur des milliers de km tout seuls! Prends un humain, enlève lui ses cartes routières et son GPS, il se paumerait dans n'importe quelle campagne, forêt ou grande ville!!!!!
Merci pour ton article qui permet aux animaux de retrouver leur place en tant qu'êtres vivants! Les humains oublient un peu trop souvent , qu'à la base, ils ne sont que des mammifères, quant au cerveau de certains, on se demande où il est et même s'ils en ont un????
Bisous